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30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 10:14

De l'extinction d'une voix d'intégrité africaine qui dérangeait : Jean-Marc Ela compté pour mort !

Jean-Pierre Luhata

0. Ce titre, je l'emprunte un peu à l'intitulé d'un texte qui rendait hommage à son codiocésain,le P. Mveng(1), rédigé juste quelque peu après la disparition de celui-ci. Il est le confrère,dont le triste assassinat motive l'exil de l'abbé Jean-Marc ELA il y a quatorze ans. Ce texte décrivait le feu Engelbert Mveng, tragiquement assassiné par les forces dites incontrôlables en vogue aujourd'hui en Afrique, à peu près en ces termes: Il est parti le P.Mveng,ce prêtre qui dérangeait ! Devant des explications simplistes du genre,l'opinion populaire tendait à impliquer souvent la main de l'autorité, présumée être remise en cause dans la tragédie. Il est vrai que la mort est phénomène naturel,mais il y a des morts qui bouleversent, surtout quand la disparition risque de créer un fossé,bien sensiblement difficile à combler comme il en est de celui dont l'Afrique regrette la disparition aujourd'hui.On aurait voulu qu'il soit encore vivant pour nous éclairer de ses lucides raisonnements,mais hélas ! Les décrets de l'Eternel sont sans rappel (Métaphore tetela) !Bien des souvenirs me viennent à l'esprit, au moment ou j'apprends tardivement la nouvelle de la brutale disparition d'un des plus grands parmi les Africains,Jean-Marc ELA. La taille élitaire de l'homme était tellement grande qu'aucun détail ne semble transcrire, à sa juste hauteur, les multiples dimensions du Professeur Jean-Marc Ela. Compte tenu de témoignages ayant circonscrit génialement l'oeuvre de l'homme dans ses différents aspects: l'érudite relation en matière théologique du Pr Messi Metogo, les positions anthropologiques et morales du Pr Achille Mbembe, la lecture de son combat idéologique de Célestin Monga,ainsi que le complexe témoignage sur le personnage recueilli par le Pr Esobga, sont somme toute un aperçu érudit sur l'homme, prêtre, professeur, citoyen africain et savant aujourd'hui très regretté, Jean-Marc Ela. Je ne vais que me limiter à un aspect, qui recentre mon témoignage personnel de l'expérience de ma rencontre avec cet homme, qui lègue,en guise d'héritage, plus qu'un cadeau aux jeunes Africains aujourd'hui désemparés par le drame de crise du patrimoine modéliste.

 

1.Ma rencontre avec Jean-Marc ELA(L'homme)

 

Il y a tellement à dire sur Jean-Marc ELA que je me résume sur le haut degré de moralité dont se prévalait l'être d'un des plus grands sociologue et théologien africain de ce siècle.Il gardait ses convictions inaliénables pour maintenir son autorité devant les sollicitations d'argent, alors qu'il avait les moyens de monnayer son silence avec toute certitude d'en amasser le plus possible, si cela le tentait, que ce soit au Cameroun, en Afrique ou en Occident. Sa simplicité mérite dans des circonstances actuelles, en vertu de la rareté de l'espèce, qu'il soit qualifié de héros dès lors qu'il avait su prendre distance de l'attrayante fascination qu'exerce celui-la(argent). Cette rare vertu nous inspire a affirmer qu'il avait vaincu la pauvreté; dès lors qu'il prenait distance de la compromission avec l'argent de manière a assurer sa marge de liberté vis-à-vis de la tyrannie dissuasive de ce puissant moyen sur la plupart d'élites modernes. Une telle liberté intérieure attire l'admiration devant le déferlement de contentieux en matière d'argent consécutifs à l'absence d'une gestion lucide. Je me rappelle sa sentence lors d'une messe à laquelle avaient pris part les dignitaires politiques camerounais ou il conclut avec toute son autorité prophétique, en les harcelant de : manger et boire,car demain, ils mourront tous ! Pour mesurer le profil élitaire de l'illustre disparu, il fallait observer les inquiétudes que soulevait le fait de tenir en ses mains un des ses ouvrages par les milieux missionnaires en Afrique. En effet, ces envoyés de Dieu en terre africaine ne brillent-ils pas parfois/constamment d'un fanatisme par lequel ils estiment que le Dieu de l'Eglise se confond un peu avec une affaire de famille liant un oncle à son neveu ? De cet auteur infatigable,on retiendrait surtout la force de conviction inébranlable qui jaillissait de sa parole, calme mais ferme, dont le secret tient de sa capacité méditative nourrie du recueillement. Il restera un auteur dont la parole avait l'horreur du déploiement oiseux, cherchant toujours à toucher les coeurs disposés à l'accueillir. En cet Été chaud de 1999, j'obtiens par téléphone un rendez-vous avec l'auteur camerounais Jean-Marc ELA dans son bureau de Pavillon de Maisonneuve à l'Université Uqam de Montréal. L'homme rentre silencieuse, d'une voix très calme, il parle à ses Secrétaires, pendant que j'attends à la porte; il me fait signe de le suivre à son bureau au fond du couloir de cette suite. A l'entrée, on voit marquer sur une grande affiche, Pr Jean-Marc ELA, Directeur des projets de recherches sur l'Afrique... Il me demande de lui expliquer mon problème: je lui parle plus d'une heure, il m'écoute sans m'interrompre. Il comprend mon sujet, il me renvoit à mes paroles, je retiens de cet entretien un seul conseil: ce n'est pas Dieu qui voudrait qu'on vive certaines réalités invraisemblables...; mais il faut se disposer à recevoir son aide. Ensuite, on avait parlé Théologie,surtout du feu P.Mveng,de ma dernière rencontre avec celui-ci à Rome, il m'écoute attentivement lui raconter ma conversation avec son compatriote, qui m'avait consacré une heure debout. Je signale que je lui avais montré une copie du séminaire fait sur son concept de la paupérisation anthropologique et que celui-ci avait reçu une très bonne note, encore que le P.Mveng s'y est intéressé en me proposant de lui expédier un exemplaire à Yaoundé. Malheureusement, au prochain printemps, le destin de ce grand encyclopédiste se sera brutalement escompté... Faudrait-il comprendre qu'il m'exhortait à continuer cette pensée en guise d'héritage ? Les perspectives de continuer ce paradigme restent ouvertes...L'abbé ELA, quant à lui, me parlera ensuite de la faiblesse de l'axe de la théologie africaine du Congo, passant chez quelque auteur,pour une théologie de béate exaltation de l'Authenticité. L'on sait les attaques ouvertement adressées à cette idéologie mobutiste, comme histoire d'une dictature personnelle( Le cri de l'homme africain, Paris, L'Harmattan, 1980)au point de lui couter l'interdiction d'entrer au Zaïre sous Mobutu. Alors que sa démarche aborde les problématiques théologiques à partir des réalités de brûlante actualité, enracinées dans le courant de la Théologie contextuelle. Cette méthode détermine l'orientation de ses recherches, déduite à partir de choix du titre de sa thèse doctorale en Théologie intitulée: La Transcendance divine et l'existence humaine selon Luther"; autrement dit, on ne pourrait concevoir Dieu en l'isolant du drame de destin historique de l'homme, qui reçoit ici, en retour, son éclairage de l'enracinement radicale dans la dimension théologale. D'ici, se pose déductivement la fameuse question qui interroge la pertinence du discours de Dieu, saisie de manière isolée, si elle ne prend en compte la trajectoire existentielle de l'homme. Dieu et ses sacrémentalités : Christ, Église n'ont de sens que pour libérer l'homme de contraintes qui en empêchent l'épanouissement plénier en raison de servitude dictée par les forces de la mort et d'oppression que lui opposent les tyrans de ce monde. Ainsi, en sa qualité de prêtre, l'illustre disparu avait marié sa pensée aux actions concrètement destinées à soulager la misère de pauvres et opprimés. Il fallait que je commence par là, ma première fois de voir l'Abbé Jean-Marc ELA était à Yaoundé, pendant qu'il prêchait une retraite pour les Soeurs de la province Centre-Sud; nous étions un ami, moi et lui-même comme animateur, au centre Jean XXIII en vacances, ainsi que ces Soeurs venues passer leur retraite. Je me suis précipité à aller le saluer, en vertu qu'il était le seul auteur dont le Pr NKOMBE m'avait conseillé de lire l'ouvrage(L'Afrique des villages, Paris, Karthala, )dans le cadre du petit travail du premier cycle de Philosophie. En ces moments, l'abbé JM ELA ne perdait pas de vue la charge de ses vieillards auprès desquels il passait la nuit chez lui, en prenant un taxi, pour revenir chaque matin prêcher sa retraite. Il m'avait demandé de lui écrire par la Soeur Secrétaire de l'Evêque de Sangmelima, sans savoir qu'on se retrouverait un jour à Montréal pour de motivations différentes, à divers degrés, malgré un commun substrat dictatorial, vecteur de l'évasion de plus d'un africain de son milieu culturel.

2.Que retient l'attention sur le personage ?(l'oeuvre: agir vertueux)

 

3.Devoir aux intellectuels africains: vaincre ou périr !(Sa vision du Temps)

La vision de l'intellectuel africain que lègue ce brillant auteur, doit se lire en termes d'une mission par rapport aux exigences du temps. Cette mission interpelle à articuler les savoirs/sciences au service de la vie, ce qui rejoint le sens de l'expression de Oui a la vie(2) du judéo-allemand du nom de Hans Jonas,Principe responsabilité. Le message invite à inscrire les finalités de compétences dans l'épanouissement du destin aussi bien que la dignité de l'Autre (altérité). Voulait-il rester fidèle à la ligne de sa pensée qui dénonce avec acharnement jusqu'à son dernier soupir les présupposés de son ennemi idéologique, le néo-libéralisme dont le mensonger principe voudrait fonder la modernité sur un dure noyau anthropologique de la subjectivité(le triomphaliste Je ); surtout lorsque celle-ci prétend se fermer à l'altérité du non-nantis. Cette critique indique les reliefs de la superficielle inclination des savoirs africains limités à reproduire les paradigmes idéologiques, sans en aller à la racine et déceler les contradictions implicites. Dans ce sens que le savant s'en prenait a cette élite qui s'emploie à convaincre sans raison; la remarque à la quelle j'ajouterais volontiers, le fait constant d'intimider,à défaut de convaincre en vérité...!

Je laisse la parole conclusive à l'illustre disparu,en reprenant un extrait tiré de sa qu'aura reprise le long témoignage du Pr Esobga(?); cet extrait ouvre une perspective créatrice à titre de testament qui met le savant africain au défi de répondre par rapport à son milieu,son temps et à lui-même:

"Les Africains ont le devoir de contribuer aujourd'hui à faire de leur continent un centre de référence et un pole de d'excellence en matière de savoir scientifique.C'est une question de vie ou de mort pour des millions d'hommes et femmes d'Afrique. Ici, comme ailleurs,la science doit se définir en assumant le souci d'autrui. Ce défi s'impose plus que jamais dans un système mondial qui repose sur une rationalité trompeuse et mutilée qui débouche sur une jungle de la globalisation ou les plus forts détruisent les plus faibles. Dès lors face a la barbarie rampante, il importe d'assumer les taches qui s'imposent à l'intelligence pour inventer la science au service de la vie et la dignité de l'être humain. Au moment ou nombreux acteurs prennent conscience qu'il n'existe pas qu'une seule recette de la réussite, les chercheurs africains doivent méditer plus que jamais, le testament de Frantz Fanon: " Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir"(Frantz Fanon, Les damnées de la terre, Paris, Gallimard, 1961; Cité par Jean Marc Ela, L'Afrique a l'ère du savoir, Sciences, Société et pouvoir, Paris, L'Harmattan, 2006, pp.406-467).

Fort de ces considérations, Jean-Marc Ela restera une des grandes figures intellectuelles africaines de ce siècle, un Maître qui a cru en la vocation de l'élite dans ce continent; celui dont l'ardeur marquera à jamais, de par ses modalités d'être,le fait d'avoir su allier la simplicité, malgré ses énormes compétences à l'austérité d'une vie moralement juste et équilibrée. A ce titre, il mérite la palme d'or du modèle d'une élite africaine de demain et force nous est de le déclarer comme un Héros dont la plume s'est déployée pour la cause des plus humbles de cette Afrique laissée-pour-compte, faute du dévouement sincère de ses fils. A ce titre et pour répondre à ses voeux de voir d'autres Jean-Marc ELA ressurgir parmi les jeunes africains,pour ses oeuvres courageuses et tant d'exemples de vie, que sa propre parole soit une semence pour une vie intellectuelle intense. Pour tout cela enfin, nous nous devons ainsi de lui rendre nos hommages les plus vibrants !!!

Jean-Pierre Luhata

Il y a tellement à dire sur Jean-Marc ELA que je me résume sur le haut degré de moralité dont se prévalait l'être d'un des plus grands sociologue et théologien africain de ce siècle.Il gardait ses convictions inaliénables pour maintenir son autorité devant les sollicitations d'argent, alors qu'il avait les moyens de monnayer son silence avec toute certitude d'en amasser le plus possible, si cela le tentait, que ce soit au Cameroun, en Afrique ou en Occident. Sa simplicité mérite dans des circonstances actuelles, en vertu de la rareté de l'espèce, qu'il soit qualifié de héros dès lors qu'il avait su prendre distance de l'attrayante fascination qu'exerce celui-la(argent). Cette rare vertu nous inspire a affirmer qu'il avait vaincu la pauvreté; dès lors qu'il prenait distance de la compromission avec l'argent de manière a assurer sa marge de liberté vis-à-vis de la tyrannie dissuasive de ce puissant moyen sur la plupart d'élites modernes. Une telle liberté intérieure attire l'admiration devant le déferlement de contentieux en matière d'argent consécutifs à l'absence d'une gestion lucide. Je me rappelle sa sentence lors d'une messe à laquelle avaient pris part les dignitaires politiques camerounais ou il conclut avec toute son autorité prophétique, en les harcelant de : manger et boire,car demain, ils mourront tous ! Pour mesurer le profil élitaire de l'illustre disparu, il fallait observer les inquiétudes que soulevait le fait de tenir en ses mains un des ses ouvrages par les milieux missionnaires en Afrique. En effet, ces envoyés de Dieu en terre africaine ne brillent-ils pas parfois/constamment d'un fanatisme par lequel ils estiment que le Dieu de l'Eglise se confond un peu avec une affaire de famille liant un oncle à son neveu ? De cet auteur infatigable,on retiendrait surtout la force de conviction inébranlable qui jaillissait de sa parole, calme mais ferme, dont le secret tient de sa capacité méditative nourrie du recueillement. Il restera un auteur dont la parole avait l'horreur du déploiement oiseux, cherchant toujours à toucher les coeurs disposés à l'accueillir. En cet Été chaud de 1999, j'obtiens par téléphone un rendez-vous avec l'auteur camerounais Jean-Marc ELA dans son bureau de Pavillon de Maisonneuve à l'Université Uqam de Montréal. L'homme rentre silencieuse, d'une voix très calme, il parle à ses Secrétaires, pendant que j'attends à la porte; il me fait signe de le suivre à son bureau au fond du couloir de cette suite. A l'entrée, on voit marquer sur une grande affiche, Pr Jean-Marc ELA, Directeur des projets de recherches sur l'Afrique... Il me demande de lui expliquer mon problème: je lui parle plus d'une heure, il m'écoute sans m'interrompre. Il comprend mon sujet, il me renvoit à mes paroles, je retiens de cet entretien un seul conseil: ce n'est pas Dieu qui voudrait qu'on vive certaines réalités invraisemblables...; mais il faut se disposer à recevoir son aide. Ensuite, on avait parlé Théologie,surtout du feu P.Mveng,de ma dernière rencontre avec celui-ci à Rome, il m'écoute attentivement lui raconter ma conversation avec son compatriote, qui m'avait consacré une heure debout. Je signale que je lui avais montré une copie du séminaire fait sur son concept de la paupérisation anthropologique et que celui-ci avait reçu une très bonne note, encore que le P.Mveng s'y est intéressé en me proposant de lui expédier un exemplaire à Yaoundé. Malheureusement, au prochain printemps, le destin de ce grand encyclopédiste se sera brutalement escompté... Faudrait-il comprendre qu'il m'exhortait à continuer cette pensée en guise d'héritage ? Les perspectives de continuer ce paradigme restent ouvertes...L'abbé ELA, quant à lui, me parlera ensuite de la faiblesse de l'axe de la théologie africaine du Congo, passant chez quelque auteur,pour une théologie de béate exaltation de l'Authenticité. L'on sait les attaques ouvertement adressées
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